Débris spatiaux : les interrogations juridiques


Avenir de l'espace, Droit spatial / dimanche, février 10th, 2019

Le 4 octobre 1957, une fusée R-7 Semiorka soviétique place le premier satellite artificiel, Spoutnik 1, en orbite autour de la Terre, depuis cette date d’innombrables vols spatiaux ont eu lieu et de nombreux satellites ont été placé en orbite autour de la Terre. Mais la prolifération des activités spatiales a donné naissance à un problème encore insoupçonné même dans le milieu scientifique, celui des déchets spatiaux. Ainsi, peut se poser la question du régime juridique de ces déchets qui se trouvent dans l’espace et qui peuvent s’avérer plus dangereux que ce que l’on croit.

Illustration montrant la réalité des débris spatiaux en orbite autour de la Terre.

Le film Gravity sorti en 2013 et qui fut un véritable succès a donné une véritable visibilité à cette problématique des débris spatiaux. Dans celui-ci la destruction d’un ancien satellite espion russe met en danger les astronautes à cause de la création d’un nuage de débris se dirigeant vers eux. Ce scénario catastrophique s’avère être plus réel que ce que l’on peut imaginer et les débris spatiaux constituent un véritable danger pour l’ISS et les astronautes qui s’y trouvent, ainsi que pour tous les satellites se trouvant en orbite autour de la Terre.

Ces dernières années, les accidents du fait de cette problématique se sont multipliés.

La première collision de deux machines intactes a eu lieu en 2009 entre le satellite américain Iridium 33 et russe Cosmos 2251, celle-ci a donnée lieu à la création de deux nuages distincts de débris spatiaux en orbite terrestre basse au nord de la Sibérie.

Ce genre de collision peut aussi entraîner une rentrée incontrôlée en atmosphère terrestre comme ce fut le cas en 2011 pour deux satellites, américain et allemand.

Encore en 2013, une collision a eu lieu entre un satellite équatorien et des débris provenant du réservoir de carburant d’une fusée soviétique au-dessus de l’océan indien.

La multiplication de ce genre de collision augmente automatiquement le nombre de déchets spatiaux et les risques encourus. Ces nombreux exemples posent le problème du cadre juridique des déchets spatiaux, que ce soit au niveau national ou international. De plus, l’accélération des activités spatiales de ces dernières années et l’arrivée de l’industrie privée renforcent encore plus ces problématiques.

Quelle définition des débris spatiaux : 

En premier lieu, il conviendrait de définir avec certitude le terme de débris spatiaux, ce que les conventions actuelles nous permettent pas de faire avec certitude. Il n’existe pas de définition internationalement reconnue, mais le Traité sur l’Espace de 1967 parle d’objet spatial, qui désigne les éléments constitutifs d’un objet spatial, ainsi que son lanceur et les éléments de ce dernier.

Il s’agirait donc, de toute chose mise en orbite par l’homme, qu’elle soit fonctionnelle ou pas. L’étage supérieur d’une fusée pourrait rentrer dans cette définition, ainsi que tout objet qui se serait détaché d’un objet spatial.

Les traités internationales insuffisants :

Le traité de l’espace de 1967 ne mentionne pas explicitement les débris spatiaux, mais met en place une responsabilité des Etats des dommages qu’ils ont causés de par les activités qu’ils ont effectué.

L’article 11 du traité prévoit que  » les Etats mèneront toutes leurs activités dans l’espace en tenant dûment compte des intérêts correspondants de tous les autres Etats parties au Traité « . Avec une interprétation large, cet article pourrait obliger les États parties à réguler leurs activités et à régler la problématique des débris spatiaux afin de permettre à tous les États de participer à l’exploration et à l’utilisation de l’espace avec un risque minimal de débris.

Mais ce texte est incontestablement insuffisant pour répondre à la problématique des débris spatiaux, d’une part, car il est assez flou dans ses termes, mais de plus, il n’a pas vocation à s’appliquer au secteur privé qui ne cesse de s’agrandir d’année en année. De plus au vu de la taille de certains débris spatiaux une question de preuve peut se poser, comment prouver qu’un vis s’étant détaché d’un satellite hors service provient bien de ce satellite ?

La convention de 1972 sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux, établit des règles et des procédures internationales relatives à la responsabilité qu’assument les États de lancement pour les dommages causés par leurs objets spatiaux. Mais cette convention n’a aucune valeur contraignante, ainsi les Etats n’ont pas à se soucier des sanctions en cas d’irrespect.

Enfin, le Bureau des Affaires Spatiales de l’ONU a publié en 2007 des lignes directrices en matière de réduction des débris spatiaux et en 2019 des directives en matière de durabilité à long terme des activités spatiales. Mais ces textes restent insuffisants étant donné l’absence d’effet contraignant sur les Etats.

La réglementation française :

La réglementation française relative aux activités spatiales, prévoit une responsabilité pour toute atteinte à la santé publique ou à l’environnement grâce à la loi du 3 juin 2008. Cette loi par son article 14 permet une action récursoire contre les entreprises à l’origine du dommage causé ayant engagé la responsabilité de la France sur le plan international. Mais même cette loi ne parle pas spécifiquement des débris spatiaux et surtout ne concerne que la France.

Les risques :

Dans un rapport complet de 65 pages, l’association Robin des Bois a soulevé la problématique des déchets spatiaux qui peuvent atteindre jusqu’à 40 000 km/h. L’association rappelle que les risques de collision n’ont cessé de grandir au fur et à mesure des lancements.  » Aujourd’hui, nous avons dans l’espace environ 5.000 objets mesurant plus d’un mètre, 20.000 objets de plus de 10 cm et 75.000 balles volantes d’environ 1 cm « . Quant aux objets de plus d’un millimètre, ils atteindraient les 150 millions.

Avec un si grand nombre de débris spatiaux les risques sont nombreux que ce soit d’un point de vu humain ou financier. D’abord des satellites fonctionnels se trouvant en orbite autour de la Terre peuvent être endommagés. Même la Station Spatiale Internationale peut être exposée à ce danger. Thomas Pesquet expliquait dans une vidéo que la station est parfois obligé de faire des manœuvres pour éviter les débris et il existe même une procédure d’évacuation prévue en cas de grand risque de collision.

Enfin, le risque pèse aussi sur la Terre en cas de retombée imprévue. Par exemple en 1978, la chute d’un satellite russe chargé d’uranium au Canada avait contaminé 125.000 km2 de terre. Moscou avait alors versé une indemnité au pays.

Les solutions :

La solution pour éviter une prolifération des débris spatiaux serait peut-être de concevoir des engins spatiaux, moins polluants en prenant en compte les risques de rejet de débris.

D’autres solutions ont aussi été proposées par des scientifiques comme la création de filets ou remorques spatiaux.

Enfin au niveau de la réglementation et du cadre juridique, il est évident qu’une solution internationale doit être trouvée. Aujourd’hui, les acteurs des activités spatiales sont encore timides sur le sujet, car toute mesure obligatoire entraînerait probablement une augmentation du coût des activités spatiales. L’industrie privée pourrait apporter une solution durable en proposant des services de nettoyage des débris spatiaux aux Etats comme aux entreprises. Au niveau européen, un droit spatiale de l’Union européenne pourrait répondre aux problèmes des débris.

Une vidéo de l’ESA montrant la réalité du danger que représentent les débris spatiaux.

Source :

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