Le 2 octobre 2023, la Federal Communications Commission (FCC) autorité de régulation des télécommunications a infligé à une entreprise privée opérateur de satellite une sanction pour création de débris spatiaux. Cette première historique démontre à quel point dans l’espace, le droit s’applique pleinement et la responsabilité des acteurs peut être mise en oeuvre.
La sanction historique de la FCC : un précédent juridique
Parmi les défis juridiques majeurs auxquels le droit spatial est confronté, la question des débris spatiaux se distingue par son urgence et sa complexité. Ces résidus, composés de fragments de satellites obsolètes, de morceaux de lanceurs, et d’autres reliquats des activités humaines en orbite, posent un risque significatif pour les opérations spatiales. Leur accumulation croissante soulève la menace de l’effet Kessler, un scénario dans lequel la densité des débris en orbite basse devient si élevée que les collisions en chaîne deviennent inévitables, exacerbant le problème et rendant des zones entières de l’espace inutilisables.
Dans ce contexte, la récente décision de la Federal Communications Commission (FCC) marque un tournant. En imposant la première sanction à un opérateur de satellite pour la création de débris spatiaux, la FCC établit un précédent juridique significatif. Cette mesure illustre une reconnaissance croissante de la nécessité de prévenir l’accumulation des débris spatiaux. Elle souligne également le rôle croissant du droit spatial en tant qu’instrument de gouvernance pour la préservation et la sécurité de l’environnement spatial.
Au cœur de cette sanction historique, se trouve l’incapacité de l’entreprise Dish Network opérateur de satellite, à respecter son engagement de déplacer son satellite EchoStar-7 vers une orbite cimetière, une zone plus éloignée de l’orbite terrestre destinée à accueillir les satellites en fin de vie. En effet, en 2022, l’entreprise a révélé que le satellite ne disposait pas de suffisamment de carburants pour atteindre l’orbite exigée. Cette défaillance a conduit à l’amende de la FCC.
Implications pour le secteur spatial
Cette sanction est certes modeste dans son montant, mais a néanmoins entraîné une baisse immédiate de près de 4% du cours de l’action de la société Dish Network, réduisant sa valorisation d’environ 100 millions de dollars. Cette décision de la FCC, au-delà de sanctionner un acteur spécifique, pourrait secouer toute l’industrie, incitant les autres opérateurs de satellites à être plus prudents, conscients du risque de ternir leur réputation.
Par ailleurs, cette amende pourrait dynamiser le marché encore naissant des sociétés ayant pour modèle économique l’élimination des débris spatiaux. En effet, avec l’instauration de sanctions financières pour la création de débris, la demande pour des services de nettoyage et de gestion des débris spatiaux est susceptible d’augmenter significativement. Les entreprises spécialisées dans l’élimination des débris, comme Astroscale au Japon, pourraient voir une opportunité dans un marché émergent, où les opérateurs de satellites chercheraient activement à minimiser leurs risques réglementaires et environnementaux.
Enfin, les entreprises opérant dans le secteur spatial s’appuient sur des assurances pour couvrir les risques liés à la mise en orbite et les potentiels dommages causés par les débris spatiaux. Avec la mise en place de sanctions financières pour la création de débris, les assureurs pourraient revoir leurs politiques et tarifications, reflétant le risque accru associé à la non-conformité aux réglementations spatiales. Cela pourrait entraîner une augmentation des primes d’assurance pour les opérateurs de satellites. D’un autre côté, cette tendance pourrait ouvrir de nouvelles opportunités pour les compagnies d’assurance spécialisées dans le spatial, les incitant à développer des produits d’assurance innovants qui couvrent spécifiquement les risques liés aux débris spatiaux.
Les dispositions de la législation française visant à limiter les débris spatiaux
La question des débris spatiaux est une préoccupation mondiale, et la France n’est pas en reste dans sa réponse à ce défi. La législation française, à travers sa loi relative aux opérations spatiales de 2008, aborde directement la question en instaurant un régime de responsabilité spécifique pour les opérateurs de satellites. Cette approche juridique veille non seulement à la protection de l’environnement spatial, mais aussi à la sécurité des opérations spatiales et terrestres. En établissant un cadre de responsabilité clair, la France s’assure que les opérateurs de satellites nationaux sont conscients de leurs obligations et des conséquences potentielles de leurs activités.
Tout d’abord le processus de délivrance d’autorisation pour les activités spatiales des entreprises françaises prévoit directement à une volonté de limiter les débris spatiaux. En effet, une des conditions d’octroi de cette autorisation est la conformité des systèmes et procédures avec la protection de l’environnement. De plus la loi de 2008 concernant les opérations spatiales prévoit à son article 5 une référence spécifique aux débris spatiaux : « les autorisations et licences délivrées en application de la présente loi peuvent être assorties de prescriptions édictées dans l’intérêt de la sécurité des personnes et des biens et de la protection de la santé publique et de l’environnement, notamment en vue de limiter les risques liés aux débris spatiaux.«
L’arrêté du 31 mars 2011 (ESRR1103737A) prévoit une définition du débris spatial comme » tout objet spatial non fonctionnel d’origine humaine, y compris des fragments et des éléments de celui-ci, en orbite terrestre ou rentrant dans l’atmosphère terrestre « . L’article 21 de ce même arrêté joue un rôle crucial dans la limitation des débris spatiaux dans la législation française. Il prévoit :
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A la conception et production : L’article stipule que les lanceurs doivent être conçus et produits de manière à limiter la production de débris au cours des opérations nominales. Cela comprend des dispositions pour réduire les débris lors de la mise en orbite et même après la fin de vie du lanceur et de ses éléments constitutifs.
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Limitation du nombre d’éléments pouvant être placés en orbite : L’article établit des règles strictes sur le nombre d’éléments du lanceur qui peuvent être placés en orbite. Cette limitation est essentielle pour réduire la quantité de matériel potentiellement devenant des débris spatiaux.
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Gestion des systèmes pyrotechniques et des propulseurs : Des normes spécifiques sont appliquées pour éviter la génération de débris par des systèmes pyrotechniques et les propulseurs à poudre, deux sources de débris spatiaux.
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Neutralisation à la fin de la mission : L’article exige que les lanceurs soient conçus de manière à ce que, après leur mission, toutes les réserves d’énergie soient épuisées ou rendues inoffensives, réduisant ainsi le risque de génération accidentelle de débris.
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Rentrée atmosphérique et délai maximal : Il impose que les éléments du lanceur qui traversent des zones protégées (zone A) soient désorbités de manière contrôlée, ou, dans des cas exceptionnels, ne restent pas dans ces zones plus de 25 ans. Cela assure que les débris ne constituent pas un risque à long terme dans des régions spatiales critiques.
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Probabilité de réussite des manœuvres de retrait: Enfin l’article fixe une probabilité de succès minimale pour les manœuvres de retrait de service des lanceurs. Cela garantit que les plans de mitigation des débris soient non seulement bien conçus, mais également fiables et susceptibles d’être exécutés avec succès.
De plus l’article 22 de l’arrêté du 31 mars 2011 prévoit une obligation de prévention des risques de collision, puisque les systèmes doivent être conçus, produits et mis en œuvre et leur mission définie de façon à limiter ce genre de collisions en orbite.
La loi française sanctionne la création de débris spatiaux
Conformément aux dispositions de la loi relative aux opérations spatiales de 2008 (5 et 8), une mesure administrative peut imposer à un opérateur d’activité spatiale de conformer ses systèmes et procédures avec la protection de l’environnement, notamment en vue de limiter les débris spatiaux.
L’article 5 de cette loi dispose que :
Les autorisations et licences délivrées en application de la présente loi peuvent être assorties de prescriptions édictées dans l’intérêt de la sécurité des personnes et des biens et de la protection de la santé publique et de l’environnement, notamment en vue de limiter les risques liés aux débris spatiaux.
En cas de non respect, par un opérateur spatial français, des prescriptions édictées en vue de limiter les risques liés aux débris spatiaux, celui-ci peut être condamné à une amende de 200 000 euros (article 11, III 2° de la loi n° 2008-518 relative aux opérations spatiales).
Le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) est compétent pour ces de sanctions administratives.
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