Constellations de satellites : Un nouveau défi pour le droit spatial


Droit spatial / mercredi, mars 25th, 2020

Au cours des derniers mois plusieurs entreprises ont multiplié les lancements afin de mettre sur orbite les premiers constellations de satellites. SpaceX avec Starlink ou OneWeb ont ainsi pour objectif de permettre un accès à internet universel à l’échelle mondiale et à haut débit. Ces projets éveillent l’enthousiasme de tout un chacun au vu de l’innovation technologique proposée, mais amènent aussi des ​questionnements à mesure que les lancements s’enchaînent. En effet, à terme, le nombre de satellites composant la constellation Starlink s’élèverait à 42 000 unités en orbite terrestre basse. Ce nombre élevé laisse présager des risques de collisions ou de pollution lumineuse.

Les ​craintes et critiques exprimées par de nombreux spécialistes appellent à se poser la question de la place du droit spatial dans cette problématique d’un nouveau genre à l’ère du New Space où 42 000 satellites d’une même constellation pourraient tourner tout autour de la Terre au même moment.

Débris spatiaux

Le ​Traité de l’espace de 1967 ne mentionne pas explicitement les ​débris spatiaux​, mais ​met en place une responsabilité des États des dommages qu’ils ont causés de par les activités qu’ils ont effectuées. Ce texte est incontestablement insuffisant pour répondre à la problématique des débris spatiaux, d’une part, car il est assez flou dans ses termes, de plus, il n’a pas vocation à s’appliquer au secteur privé comme par exemple à SpaceX ou à One Web.

La ​Convention de 1972 sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des objets spatiaux, établit des règles et des procédures internationales relatives à la responsabilité qu’assument les États de lancement pour les dommages causés par leurs objets spatiaux. Mais cette convention n’a ​aucune valeur contraignante​, ainsi les États n’ont pas à se soucier des sanctions en cas d’irrespect.

S’il existe une réglementation française de la ​Loi du 3 juin 2008 relative aux activités spatiales qui prévoit une responsabilité pour toute atteinte à la santé publique ou à l’environnement, ce texte ne s’applique malheureusement qu’à l’échelle de la France. Ces mega-constellations de plusieurs dizaines de milliers de satellites ​augmenteront alors les risques de collisions dans l’espace et donc à terme la pollution spatiale avec la création de débris à cause du syndrome de Kessler. Une problématique à laquelle le droit spatial se doit de répondre, en mettant en place des réglementations plus strictes et universelles à l’échelle internationale s’appliquant aussi bien aux États qu’au secteur privé. Les standards internationaux de recommandations doivent ainsi laisser place à des règles juridiques contraignantes pour préserver l’orbite terrestre.

Enfin, le Bureau des Affaires Spatiales de l’ONU a publié en 2007 des lignes directrices en matière de réduction des débris spatiaux et en 2019 des directives en matière de durabilité à long terme des activités spatiales. Mais ces textes restent insuffisants étant donné l’absence d’effet contraignant sur les Etats.

Pollution lumineuse

L’autre conséquence de la mise en orbite de ces nombreux satellites pourrait aussi être l’​augmentation de la pollution lumineuse​. D’après certains astronomes, les craintes sont déjà réelles et des poursuites judiciaires sont envisagées à l’encontre de SpaceX pour sa constellation Starlink.

En effet, les premiers satellites de l’entreprise d’Elon Musk sont déjà bien visibles dans le ciel et cet éclairage pourrait avoir un impact sur les observations astronomiques faites depuis le sol, sur l’équilibre de la biodiversité et sur le rythme biologique humain. Ces perturbations pourraient ainsi avoir des ​impacts scientifiques​, mais aussi ​économiques à cause du manque à gagner investi dans les moyens d’observations du ciel, et ce, à l’échelle mondiale.

Le ​Traité de l’espace de 1967 qui prévoit une utilisation pacifique de l’espace ne traite bien évidemment pas de la question de la pollution lumineuse engendrée par les activités spatiales. La Convention du patrimoine mondial stipule que  » la détérioration ou la disparition d’un élément du patrimoine culturel ou naturel constitue un appauvrissement nuisible du patrimoine de toutes les nations du monde  » pourrait constituer un fondement juridique d’atteinte au patrimoine culturel mondial, empêchant les dérives engendrées par ce type de constellations. Mais il n’existe encore une fois ​aucune règle juridique contraignante et surtout internationale dans ce domaine. En réalité les entreprises comme SpaceX ou OneWeb ne font rien contre les règles mais le problème étant qu’il n’existe pas de règles.

Le défi du droit spatial dans les années à venir sera de créer des règles juridiques contraignantes, universelles et internationales dans le domaine de la prévention contre les débris spatiaux mais aussi contre la pollution lumineuse, au vu de la multiplication de plus en plus rapide de ces méga-constellations de satellites.

Pour aller plus loin

Traités, lois et conventions

Traité et Principes des Nations Unies relatifs à l’Espace Extra-Atmosphérique​, 2002
LOI n°2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales​, 2008
Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux​, 1972
Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel,​ 1972


Articles

SpaceX : des astronomes veulent porter plainte contre la constellation Starlink​, Futura Sciences, Février 2020
Des astronomes appellent à une action en justice contre la pollution lumineuse de SpaceX, Usbek & Rica​, Février 2020

Article publié originellement dans la newsletter du Space Generation Advisory Council France.

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